Audience orageuse, Outrage éclair, jugement partial.
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A propos de Conseil d’Etat, 21 mars 2023, n° 456347, mentionné aux tables du Recueil
Par une décision du 21 mars 2023, le Conseil d’Etat vient rappeler les prérogatives du Président d’audience en matière de police des débats au regard du principe d’impartialité.
Il faut bien reconnaitre que les débats devant les juridictions administratives sont plutôt réputés pour leur caractère « policé ». Néanmoins, dans certains dossiers, l’ambiance de l’audience peut s’avérer orageuse et, parfois, l’on peut même assister à des éclairs de voix débordants les limites de la bienséance voire de la civilité.
Ainsi, entre une audience à l’ambiance lourde où le Président doit rappeler les parties aux règles de bienséances et une audience entachée de véritables dérapages verbaux ou comportementaux, il n’y a parfois qu’un mot, qu’un geste, qu’un éclair de très mauvais génie mal inspiré.
Tout d’abord, le cadre d’exercice des pouvoirs de police du Président d’audience est relativement similaire pour toutes les procédures contentieuses. Le principe est simple, le Président de l’audience est chargé de la police des débats. Il s’assure que les échanges entre les parties se déroulent dans les meilleures conditions de sérénité mais aussi de civilité.
Outre les parties concernées par le litige évoqué à l’audience, le Président s’assure également que les membres du public ou parfois les accompagnateurs des parties ne viennent peser sur l’ambiance d’un ciel déjà suffisamment bas et lourd.
Dans ce cadre, l’article R. 731-1 du Code de justice administrative prévoit :
« Le président de la formation de jugement veille à l’ordre de l’audience. Tout ce qu’il ordonne pour l’assurer doit être immédiatement exécuté.
Les membres de la juridiction disposent des mêmes pouvoirs sur les lieux où ils exercent les fonctions de leur état ».
L’article R. 731-2 du Code précité précise quant à lui :
« Les personnes qui assistent à l’audience doivent observer une attitude digne et garder le respect dû à la justice. Il leur est interdit de parler sans y avoir été invitées, de donner des signes d’approbation ou de désapprobation, ou de causer quelque désordre que ce soit.
Le président de la formation de jugement peut faire expulser toute personne qui n’obtempère pas à ses injonctions, sans préjudice des poursuites pénales ou disciplinaires qui pourraient être exercées contre elle ».
Ainsi, le Président d’audience du haut de son « Olympe Judiciaire » doit-il garantir le calme et la sérénité des débats. Pour cela, il dispose de la faculté de recourir à la mise en œuvre des textes précités. Lorsque le Président de l’audience utilise son pouvoir de police des débats en se limitant à rappeler à l’ordre voire à expulser la partie « perturbante », il peut délibérer en toute impartialité sur l’affaire concernée comme le confirme la décision commentée :
« Lorsqu’une partie – ou d’ailleurs toute autre personne présente à l’audience – perturbe le déroulement des débats, il appartient au président de la formation de jugement, au titre des pouvoirs que lui confère ainsi le code de justice administrative, d’ordonner qu’elle mette fin immédiatement à ses agissements, sous peine d’être expulsée de la salle d’audience. La circonstance que le président d’une formation de jugement fasse, en présence de tels agissements, usage de ses pouvoirs de police conformément aux dispositions citées au point 2 n’est pas, en elle-même, de nature à affecter la régularité de la décision juridictionnelle rendue à l’issue de cette audience ».
En revanche, dès lors que le Président ou l’un des magistrats de la composition de jugement s’estime outragé ou victime de toute autre infraction pénale lors de l’audience et qu’il dépose plainte à l’encontre de l’une des deux parties à l’issue de l’audience, il ne peut plus valablement délibérer sur l’affaire.
D’une certaine manière, le magistrat qui porte plainte pour des faits d’audience quitte « l’olympe de la délibération » pour retrouver les considérations bassement terriennes du commun des mortels… exigeant à son tour justice à l’encontre de la partie ayant quitté le monde de la civilité.
Dans un tel cas de figure, ladite affaire doit alors être renvoyée devant une autre composition de jugement et naturellement, sans la présence du magistrat qui a déposé plainte :
« Toutefois, dans un tel cas, dès lors que la personne dont les agissements sont mis en cause est partie à une affaire sur laquelle ce magistrat est appelé à délibérer, afin de ne pas créer dans le chef de cette partie un doute sur son impartialité à juger son affaire, il appartient au président de la formation de jugement de rayer l’affaire du rôle de l’audience, de façon à ce qu’elle puisse être examinée à une autre audience, devant une formation de jugement à laquelle le magistrat ne participe pas ».
La décision du Conseil d’Etat est emplie de sagesse même si l’on peut s’étonner qu’il eut été nécessaire de monter aussi haut dans « l’olympe des juridictions » pour retrouver le feu sacré de l’impartialité.
La décision est consultable ici.
Article par Jean-Noël LITZLER