Cumul mandat électif et fonctions de Président d’une SEML : attention au trop méconnu délit de concussion résultant lui du cumul…de rémunérations
Veille juridique #Droit pénal des affaires publiques
Tout commence tranquillement.
En février 2016, la commission permanente d’un conseil régional décide d’autoriser l’un de ses membres à présenter sa candidature pour exercer les fonctions de président du conseil d’administration d’une société d’économie mixte locale.
Le conseil d’administration de la société d’économie locale élit alors le conseiller régional en qualité de Président directeur général et fixe sa rémunération à ce titre.
Mais se complique très rapidement.
La rémunération fixée méconnait les prévisions de l’article L. 4135-18 du Code Général des collectivités territoriales qui fixe un plafond de rémunération pour le conseiller régional titulaire d’autres mandats ou d’autres fonctions.
L’article L. 4135-18 du CGCT dispose :
« Le conseiller régional titulaire d’autres mandats électoraux ou qui siège à ce titre au conseil d’administration d’un établissement public local, du centre national de la fonction publique territoriale, au conseil d’administration ou au conseil de surveillance d’une société ou qui préside une société ne peut percevoir, pour l’ensemble de ses fonctions, un montant total de rémunérations et d’indemnités de fonction supérieur à une fois et demie le montant de l’indemnité parlementaire telle qu’elle est définie à l’article premier de l’ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement ».
L’on pourrait croire que le remboursement de l’indu de rémunération est suffisant pour régulariser la situation.
Il n’en est rien.
Et sans régularisation possible juridiquement.
Dépasser le plafond de rémunération prévu par la loi constitue le délit peu souvent évoqué et donc méconnu de concussion.
Condamné en première instance à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à une peine de trois ans d’inéligibilité de chef de concussion, peine confirmée par la Cour d’appel, l’élu se pourvoit en cassation.
A hauteur de cassation, l’élu tente de se défendre sur le terrain de l’intentionnalité. En effet, le délit de concussion réprimé par l’article 432-1à du code pénal est un délit intentionnel.
L’intention de l’élu existe presque inévitablement.
Dans le cadre du pourvoi, l’élu régional prétend qu’il n’avait pas connaissance du plafond de rémunération institué par le Code général des collectivités territoriale et que, par conséquent, l’élément moral c’est-à-dire intentionnel de l’infraction fait défaut.
La Cour écarte le moyen en reprenant la motivation de la Cour d’appel :
« Qu’il ne pouvait, en effet, ignorer que l’exercice de la direction générale de la société [1] était attaché, de par les conditions de sa désignation en tant qu’élu de la Région au sein d’une structure majoritairement détenue par celle-ci et abondée par des fonds publics, à l’exercice de sa fonction de président de la société et qu’il aurait dû a minima s’interroger, en sa qualité de dépositaire de l’autorité publique, sur le cumul des rémunérations, ne pouvant valablement s’exonérer par l’absence d’alertes préalables émanant des services administratifs du conseil régional » (Crim., 7 décembre 2022 – n° 21-83.354).
En conclusion, c’est à l’élu d’agir très prudemment.
Ainsi, l’élu doit être particulièrement vigilant à la rémunération des fonctions et mandats complémentaires qu’il peut exercer en parallèle. Le cumul reste autorisé mais l’élu est seul responsable de la rémunération qu’il perçoit.
D’une certaine manière la chambre criminelle rappelle que nul n’est censé ignoré la loi mais, plus encore, l’élu ne peut aucunement ignorer la loi.