Fouilles archéologiques préventives : le trésor n’est pas toujours ou l’on croit
Veille juridique #Droit de la constructionDans l’imaginaire collectif, les fouilles archéologiques préventives renvoient toujours au fantasme de la découverte d’un trésor enfoui dans la tombe d’un prince celte ou encore à l’apparition d’une mosaïque parfaitement conservée d’une villa gallo-romaine.
Or, comme le Conseil d’Etat vient de le juger, le vrai trésor est parfois dans le contrat conclu entre l’aménageur du projet et l’opérateur chargé des fouilles (en l’espèce l’INRAP).
Revenons sur le cadre juridique. Lorsque des travaux risquent d’affecter le patrimoine archéologique, le préfet de région peut prononcer la réalisation d’opérations d’archéologie préventive en application des articles L. 522-1 et suivants du Code du patrimoine.
Un contrat doit être alors conclu entre l’aménageur qui projette de réaliser des travaux et l’opérateur chargé de la réalisation des fouilles. Le plus souvent les opérations de fouilles sont confiées à l’INRAP ou tout autre service archéologique territorial agréé.
L’on pourrait donc penser que tout est bien calibré entre les prescriptions du préfet et le contrat liant l’aménageur à l’INRAP sur les fouilles à mener… avec des conditions financières de l’intervention de l’INRAP fixées par le contrat signé avec l’aménageur.
Mais qu’arrive t’il lorsque les fouilles à pratiquer sont réduites ensuite par le préfet en raison d’une pollution des sols ? L’aménageur a-t-il le droit d’obtenir une réduction du prix de la prestation de fouilles à réaliser par l’INRAP en compensation de la limitation par le préfet du champ d’intervention des fouilles ?
Dans cette relation à trois, à savoir préfet, aménageur, INRAP, le Conseil d’Etat vient de répondre à cette question par ce que l’on pourrait résumer très sommairement par « le contrat c’est le contrat » et tant pis pour l’aménageur.
Avec un langage plus élaboré, le Conseil d’Etat estime ainsi :
« Le contrat conclu entre l’aménageur qui projette de réaliser des travaux et l’opérateur chargé de la réalisation des fouilles, qui a pour objet l’exécution des prescriptions édictées par l’Etat, doit être élaboré et exécuté conformément à ces dernières et sous le contrôle des services de l’Etat, y compris lorsque les prescriptions sont modifiées au cours de l’exécution du contrat. En revanche, il ne résulte pas de ces dispositions que la modification de ces prescriptions entraînerait, par elle-même et sans l’intervention des parties, la modification de leur contrat. Par suite, en jugeant que les prescriptions complémentaires émises par le représentant de l’Etat pour réduire le périmètre des opérations de fouilles avait eu pour effet de modifier le contrat dans un sens conforme à ces nouvelles prescriptions, alors qu’elles ouvraient seulement la possibilité pour les parties de modifier les termes du contrat, la cour administrative d’appel de Douai a commis une erreur de droit. L’INRAP est, par suite fondé, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque en tant qu’il lui fait grief »
Pour résumer, les nouvelles prescriptions édictées par le préfet dans le cadre de fouilles préventives ne modifient donc pas en soi le contrat conclu entre l’aménageur et l’INRAP, sauf si ces deux derniers se mettent d’accord sur la modification dudit contrat susceptibles d’en découler… l’aménageur paye donc l’intégralité des fouilles initialement projetées mais ensuite réduites par le préfet.
Le Conseil d’Etat fait ainsi une stricte interprétation de la force obligatoire du contrat entre les deux parties : dans un sens défavorable à l’aménageur mais favorable à l’INRAP. La cour d’appel avait elle plus prosaïquement tiré les conséquences du changement concret des prestations : erreur de droit pour le Conseil d’Etat qui renvoie lui à une initiative nécessaire des contractants qui n’y ont évidemment pas le même intérêt.
Au final, le Trésor n’est pas toujours là où le pense…