L’outarde canepetière fait couler (au moins temporairement) les méga-bassines

#Droit de l’environnement#Droit de l’urbanisme

La Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a rendu cette semaine une décision instructive en droit de l’environnement, dans le cadre des médiatiques affaires des méga-bassines.

Par un arrêt n° 21BX02981-23BX01579 en date du 18 décembre 2024, la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux annule des arrêtés du 23 octobre 2017, 20 juillet 2020 et 22 mars 2022 des préfets des Deux-Sèvres, de la Charente-Maritime et de la Vienne, concernant quatre réserves de substitution (régulièrement dénommées méga-bassines dans les médias) en tant qu’elles ne comportent pas de dérogations à l’interdiction de destruction des espèces protégées et de leurs habitats, prévues à l’article L. 411-2 du Code de l’environnement. La Cour suspend également l’exécution de ces arrêtés jusqu’à la délivrance éventuelle de la dérogation prévue à l’article L. 411-2 du Code de l’environnement.

Pour rappel, les articles L. 411-1 et suivants du Code de l’environnement prévoient un système de protection pour les espèces faunistiques et floristiques sauvages. Ce régime interdit la destruction, la capture, le transport, la perturbation et la commercialisation des espèces. Il peut également s’étendre à l’habitat de ces espèces protégées.

Toutefois, ce régime ne signifie pas nécessairement une interdiction générale et absolue pour tout projet soumis à autorisation environnementale. Des dérogations peuvent être obtenues. Les conditions de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement doivent alors être strictement respectées. Le Conseil d’Etat avait apporté des précisions sur ce régime dans un avis contentieux récent (CE, 09/12/2022, n° 463563, Publié au Recueil – voir aussi sur le sujet : CE, 28/12/2022, n° 449658, mentionné aux tables du Recueil).

Une dérogation doit ainsi être obtenue dès lors que l’atteinte aux espèces protégées (dont la présence est identifiée) est « suffisamment caractérisée ». Au cas présent, la Cour relève que le secteur d’implantation des réserves est sensible pour l’avifaune de plaine et notamment pour l’outarde canepetière (tetrax tetrax), considérant que l’atteinte est ici suffisamment caractérisée. Elle retient ainsi une illégalité du projet en l’état, du fait de ne pas avoir sollicité de dérogation espèce protégée au titre de l’article L. 411-2 du Code de l’urbanisme.

Il appartiendra donc aux porteurs de projets de solliciter une telle dérogation espèces protégées s’ils entendent poursuivre la réalisation des réserves en cause (étant néanmoins relevé que celle de Sainte-Soline est pour sa part déjà en fonction). L’autorité administrative devra alors tenir compte des mesures d’évitement, de réduction et de compensation prévues, et de l’état de conservation des espèces concernées, pour statuer sur ces demandes le cas échéant. Le juge administratif pourra également être saisi du sujet si les dérogations sont délivrées.

A suivre…

 

Le lien vers les décisions commentées : http://selection.twitter.jurissite-caa-bordeaux.fr/index.php?post/21BX02981%2C-23BX01579

 

Auteur Florestan ARNAUD

par Florestan ARNAUD